Deuxième partie : La solution
Par Jean-Christophe Duval
Nous avons pu voir, lors de la première partie, que notre système monétaire et financier pousse l'action humaine à une économie extractive et dégénérative. Il convient alors d'imaginer une nouvelle formule monétaire qui aura pour but de délivrer les hommes de la servitude destructrice tout en leur permettant d'orienter leur action vers des domaines utiles socialement et écologiquement.
Je suis intimement convaincu que la prochaine grande innovation schumpeterienne sera une transformation radicale de notre système monétaire et financier.
Dépasser la théorie quantitative de la monnaie
Pour rappel, l’idéologie « orthodoxe libérale » martèle que la monnaie n’est rien d’autre qu’un « voile » facilitant l’échange de marchandises. Pour eux, la monnaie ne dispose d’aucune autre fonction que de solutionner les problèmes liés au troc (dilemme de la double coïncidence des besoins), et que l’existence de la monnaie ne peut être justifiée que par l’existence de marchandises. Ici, la monnaie n’étant rien d’autre que le sous-jacent, la représentation facilement transportable de la marchandise. Ce qui implique l’idée que si on se mettait à créer de la monnaie sans que cette dernière ne soit « synchronisée » à une production de marchandises, nous aurions à un moment plus de monnaie que de marchandises en circulation dans l’économie. Ce qui selon eux, engendrerait un déséquilibre des prix. Le surplus quantitatif de monnaie allant alors se « greffer » à la marchandise existante. Le prix des marchandises augmenterait, ou la monnaie perdrait de sa valeur à mesure de surplus de création monétaire (inflation). Ce qui, pour les keynésiens, est absurde.
Mais alors, cela implique l’idée que seule ne compte la production de marchandises ? Que seule la production de marchandises ne saurait justifier l’existence de la monnaie ? Que la création de richesses et les réussites économiques des hommes ne peuvent provenir d’autres domaines que de l’extraction de ressources naturelles transformées en marchandises et de divers services plus ou moins liés à la marchandise ?
Tout ce que nous faisons, c'est couper la branche de l'arbre sur laquelle nous nous trouvons dans l'unique but de rembourser à des banquiers l'argent qu'ils nous ont prêté pour acheter une scie.
Dans cette métaphore, les hommes sont contraints à une réussite économique qui est, par ailleurs, déterminée par des critères financiers. Dans notre modèle actuel, les banques commerciales sont les seules organisations à émettre de la monnaie, et lorsqu'elles le font ce ne peut être que sous l'égide d'une dette et sous la condition de la rentabilité. Dans l'illusion néolibérale que les marchés sont forcément efficients (c.a.d, qu'ils peuvent tout prendre en charge) nous laissons à leur merci le soin du choix économique sans concessions. Mais c'est sans compter sur le fait que ces institutions bancaires ne sélectionnent que les domaines financièrement productifs et donc extractifs. Abandonnant nécessairement des domaines à la fois urgents et nécessaires, comme la transition écologique par exemple. Comme nous l'avons vu précédemment, nous détruisons au nom de la rentabilité, nous ne réparons pas au nom de la rentabilité.
En gros nous ne savons que détruire (externalités négatives dues à l’extraction de matières premières et productions de marchandises) parce que cela rapporte, et nous ne savons pas réparer (régénérescence des communs) parce que cela ne rapporte pas. Mais comme disent les keynésiens, tout ce qui est monétaire n’est pas forcément marchand. Il y a des domaines qui ne relèvent pas de la production de marchandises mais qui cependant, ont besoin de monnaie pour fonctionner. La monnaie n’est qu’une vue de l’esprit, elle peut donc prendre des formes différentes et servir des buts différents en fonction de sa structuration organisationnelle. L’idée que la monnaie n’est que le sous-jacent de la marchandise qui nous dirait que si la marchandise n’existe pas alors la monnaie n’aurait aucune raison d’être, n’est que le point de vue libéral, ce n’est qu’un dogme, une idéologie.
Monnaie dette et monnaie non-dette, « l’interrupteur de l’utilité »
Beaucoup pourraient s'offusquer d'apprendre que de la monnaie puisse être créée ex nihilo (à partir de rien). Pourtant, c'est réellement de cette façon que cela se passe ; les banques ne prêtent pas l'argent issu des dépôts de leurs clients, elles créent de la monnaie qui n'existe pas lors du crédit et détruisent cette monnaie lors de son remboursement ! Ce ne sont pas les dépôts qui font les crédits, ce sont les crédits qui font les dépôts. Personnellement, ceci ne m'offusque pas, et après une profonde analyse, je pourrais même trouver en cela une logique solide. Ce qui me dérange surtout, c'est quels sont les types d'organismes qui sont habilités à faire cela ? quel type de monnaie ? sous quelles contraintes ? et quelles seront les conséquences de cette méthode ?
Nous venons de voir que le dogme libéral n'envisage la monnaie que comme exogène (phénomène extérieur à l'économie) et neutre, selon cette théorie, la monnaie n'est que la représentation transportable de la marchandise. Cela implique que seule une production de marchandises (actifs tangibles) ne saurait justifier une création de monnaie. Mais alors, tous les domaines qui ne relèvent pas de la production de marchandises ne méritent pas une création monétaire ? Ils sont sans valeurs ?
Je le rappelle, selon les post-keynésiens...
...tout ce qui est monétaire n'est pas forcément marchand. Il y a un monde non-marchand, qui lui aussi a besoin de monnaie pour fonctionner.
Une monnaie diffusée sous forme de dette est conduit nécessairement à une "économie monétaire de production" à monnaie dette endogène. Cette dette oblige l'emprunteur à la discipline économique de l'extraction, car seul un projet extractif sera capable de fournir des actifs tangibles capables de solder une dette.
Vous pourriez me rétorquer que la fiscalité est là pour la prise charges des domaines non-marchands ! Certes, et c'est d'ailleurs de cette manière que nous procédons depuis l'antiquité, mais cette méthode constitue un "mythe de Sisyphe économique" que j'ai déjà exposé.
Je considère que notre système financier est incomplet dans la mesure où il ne s’intéresse qu’au domaine marchand parce qu’il est rentable, et délaisse le domaine non-marchand parce qu’il n’est pas rentable. Nous pouvons constater que notre système financier actuel n’est motorisé que par des motivations particulières ; il est rentier, court-termiste, voire spéculatif ; il est incapable de la prise en charge de domaines dénués de retour sur investissements rapides.
Nous avons besoin d’inventer une finance des communs qui serait hiérarchiquement au dessus de la finance particulière et spéculative ! Un système financier capable de réaliser des projets de très très long termes, au delà du cadre de la génération...
... et sans que ces projets ne soient soumis à une contrainte de rentabilité, sans qu'ils ne coûtent à qui que ce soit et sans qu'ils ne doivent être remboursés plus tard par l'extraction.
La seule motivation de financer ces domaines dépourvus de rentabilité seraient la chance que l'humanité se donne pour que les générations futures survivent à l’anthropocène.
Cerise sur le gâteau, et qui éventuellement permettrait de lancer une forme nouvelle d’économie. Une économie qui ne tirerait pas sa raison depuis le prélèvement de ressources naturelles mais au contraire depuis la réparation de la nature.
Ce qui implique à priori une transformation radicale de notre système monétaire. Nous devons nous défaire d’un système monétaire qui motive les hommes au pillage de la nature pour mettre en place un système monétaire qui motive à la réparation, à la précaution, à l’équilibre entre les hommes et la nature. Tout cela je pense réside dans les fondements mêmes de notre « équation » monétaire et de l’organisation de l’économie.
Ces projets de régénérescence naturelle sont évidemment dénués de retour sur investissements puisque déconnectés de l'extraction. Ils seraient simplement la possibilité que les hommes se donnent pour que les générations futures puissent avoir une chance d'exister sur une planète viable.
Une autre organisation de la monnaie et des banques
Pour le keynésien que je suis, la monnaie est endogène ce qui implique aussi bien de bonnes choses que de mauvaises. Je pense même que la monnaie est une « énergie économique », elle n’est pas neutre. Mais comme toute énergie, si on l’utilise avec méthode elle permettra de faire des miracles, si on l’utilise comme des sagouins, elle nous exposera en pleine figure.
Si une monnaie, diffusée sous forme de dette, oblige son emprunteur à une discipline de rentabilité extractive, alors il est envisageable qu’une monnaie non-dette serait capable de faire le contraire... C’est-à-dire, d’être fléchée à destination de domaines qui ne seraient pas soumis à l’impératif de la rentabilité et à l’extraction ! Et sans que cela ne coûte à personne. Elle serait le chiffre d'affaires d'entreprises dont la fonction n'est pas de détruire en produisant, mais de réparer sans rien produire.
Nous pourrions pour cela imaginer une monnaie qui, dans l’instant précis de sa création et son lancement dans le circuit économique,
- N’appartiendrait à personne. Donc personne n’aurait à la perdre « à fonds perdus » dans des projets insolvables.
- Ne serait pas soumise à la rentabilité ou la contrainte de son remboursement à un prêteur.
- Ne coûterait (pratiquement) rien à produire, donc, ce n’est pas de l’or ou du Bitcoin, mais une "fiat-monnaie" (fiat en latin = qu'il en soit ainsi), un consensus.
- N’aurait aucune valeur intrinsèque, donc, ce n’est pas de l’or ou du Bitcoin.
Cela implique l’idée qu’il faille dépasser le dogme monétariste (théorie quantitative) et envisager l’idée que la création de monnaie puisse être radicalement déconnectée de la production de marchandise ou de l’extraction de ressources naturelles. Comprenons que la monnaie ne sert pas que la marchandise, elle est aussi l’énergie de domaines non-marchands.
Faut-il continuer de détruire le monde dans la production de marchandises, l'extraction de ressources naturelles pour justifier l'existence de la monnaie ?
...ou créer une monnaie dont le but sera, dans un premier temps, de réparer le monde, puis de relancer une nouvelle sorte d'économie ?
Frexit, Europe, ou monde entier ?
Pour réaliser cela, il faut créer une nouvelle sorte d'institution bancaire de premier rang ou alors, une nouvelle prérogative pour les banques centrales. Nous pourrions réaliser cela au niveau national en cas de Frexit, ou européen en cas de grand bouleversement de la troïka ordolibérale, mais il me semble préférable de faire cela au niveau international. Pour deux raisons : le problème écologique et climatique concerne le monde entier et ensuite, mais aussi pour éviter le dilemme de Triffin.
Nous pouvons voir ici nos « amis » de la théorie quantitative de la monnaie hurler « hyperinflation » ! Certes, certes, mais attendez de voir comment pourrait s’articuler ce système.
Monde marchand et monde non-marchand
Imaginons que nous ôtions un instant nos œillères de comptables ; ces praticiens obsédés par le culte de la rentabilité et des chiffres. Observons le monde en termes de travail « pur », en termes de labeurs à réaliser sans tenir compte de critères de rentabilité. Nous nous trouvons dorénavant sur une planète où nous avons bien plus de domaines non-marchands à faire que de chercher à faire perdurer une économie de prédation. Mais si nous voulons trouver de la rentabilité ailleurs que dans le prélèvement de ressources naturelles, nous devons inventer une méthode monétaire où le profit ne proviendrait pas de l’extraction, mais de la réparation.
Je pars déjà du principe qu’il existe deux mondes, plus précisément deux domaines économiques… l’un marchand et l’autre non-marchand et que ces deux mondes ne peuvent pas être financés par le biais de la même méthode, tout simplement parce que l’un apporte de la plus-value et que l’autre en est parfaitement incapable.
Ayant assimilé cela, nous constatons que la logique libérale que tout domaine puisse être assimilable par les marchés est un sophisme.
J’imagine alors un système de finance à deux niveaux et à deux temps où la monnaie suivrait une sorte de circuit dans lequel elle changerait de caractéristiques et de raison d'être en fonction de sa position dans ce circuit. Un premier niveau/temps « non-marchand » à dessein duquel serait créée une « monnaie non-dette » et un deuxième niveau/temps « marchand » où cette monnaie non-dette servirait d’agrégat monétaire « M0 ». Cet agrégat monétaire « M0 » (base monétaire), une fois entrée dans les DAV des banques, serait les réserves obligatoires des banques commerciales diffuseuses de monnaie-dette, cette fois pour la finance marchande.
Imaginons dans un futur proche pour des raisons climatiques que ce projet se fasse sous une égide internationale ; nous créerions une banque mondiale pour le climat et cette banque diffuserait une monnaie qui serait le CA d'entreprise ou d'actions œuvrant pour la transition et un changement de paradigme.
Cet organisme aurait pour prérogative de diffuser une monnaie qui ne figurerait pas à un bilan, ce qui n'impliquerait donc pas son remboursement ultérieur par extraction (impôt). Une « monnaie non-dette » serait créée dans l’idée de réaliser prioritairement des domaines ne relevant pas du marché comme la transition écologique, sociale et humanitaire, puis cette monnaie circulerait dans l'économie via les banques.
Une fois cette monnaie dans les banques, elle perdrait automatiquement sa « neutralité d'usage » puisque devenue une propriété de quelqu'un (le CA de ces entreprises). C'est là qu'entre en jeu un nouveau contrat bancaire et financier. Il serait convenu que les banques se serviraient de cette monnaie centrale comme base monétaire pour l’émission de monnaie dette. C'est comme si le QE avait été utilisé prioritairement de façon écologiquement utile, sans attendre après le bon vouloir des banques qui ne prêtent que si c'est rentable. Comme la monnaie (énergie économique et politique) au moment de sa création n'est propriété de personne, personne n'aura à la perdre dans des projets insolvables. Mais c'est comme si on inventait de nouvelles sources de profits, une nouvelle façon de faire du chiffre d'affaires, sans être dans l'obligation de produire des marchandises, mais au contraire en réparant la nature. Par simple création monétaire, l'insolvable devient solvable.
Nous voyons que les domaines traditionnellement financés par l'impôt sont financés prioritairement par création monétaire et relancent ainsi l'économie (politique de la demande keynésienne ou "rôle positif contra-cyclique"). Ce qui est plus pertinent que la fiscalité car, si nous devions attendre après l’argent de l’impôt pour financer les 80 000 milliards de dollars nécessaires de la transition écologique, ce serait illusoire pour ceci :
Si nous devions user des méthodes monétaires actuelles pour réaliser la transition écologique, cela reviendrait à ce que j’appelle un « Mythe de Sisyphe économique ». Sachant qu'une dette ne se rembourse que par l'extraction, ce serait comme créer une dette pour sauver le monde, pour devoir ensuite le tuer pour rembourser cette dette.
Nous voyons donc que le premier niveau de ce circuit monétaire serait un monde non-marchand où l’on retrouverait les domaines publics, sociaux, écologiques, la transition, la bienveillance, la santé, l’école, etc. Toutes les domaines réfutés par la finance, car dénués de rentabilité seraient ici financés en priorité par création monétaire non-dette et ex nihilo et sans besoin de passer par la fiscalité.
Ce que j'entends par une monnaie non-dette est que cette dernière ne serait pas à rembourser ultérieurement. Elle serait la condition, le chiffre d'affaires d'entreprises (ou le budgets d'institutions publiques existantes) d'un genre nouveau. Ces dernières œuvrant pour des choses pourtant urgentes et nécessaires, mais délaissées par les marchés car, insolvables ou complexes à financer.
C'est comme créer du profit, du chiffre d'affaires, à un endroit où la marchandise et l'extraction n'existent pas. Le "client" sera cette banque mondiale qui vous donnera votre CA pour BA (chiffre d'affaires pour bonne action)
De C.A pour MA vers C.A pour B.A
Ce monde non-marchand serait financé par une monnaie non-dette créée et diffusée en « en amont de tout » dans ce circuit par un organisme de niveau banque centrale. Cette « fiat monnaie » non-dette serait le chiffre d’affaires d’entreprises et d’entrepreneurs différents de ce que nous connaissons : l'objet de leurs entreprises ne serait pas de produire des marchandises mais la régénérescence de la nature, la bienveillance sociale et humanitaire. Cette création de monnaie non-dette serait en quelque sorte un « CA pour BA » (chiffre d’affaires pour bonnes actions).
Cette création monétaire se situe précisément au seul endroit où la monnaie peut être considérée comme « neutre », car :
- Au moment de sa création, cette monnaie ne serait la propriété de personne, donc personne n’aurait à la perdre à fonds perdus dans des projets qui coûtent et ne rapportent pas.
- Comme elle ne provient pas de l’épargne donc, elle n’appelle nullement à la rentabilité ou à la spéculation.
- Elle n’a pas de valeur intrinsèque… ce n’est pas de l’or ou du Bitcoin…
- Donc ne coûte (presque) rien à produire. Ce n’est pas de l’or ou du Bitcoin…
Cet endroit où la monnaie est créée « en amont de tout » est précisément l’endroit où la monnaie est réellement neutre. Car je postule que la monnaie perd spontanément sa neutralité dès qu’elle devient la propriété de quelqu’un, d’une institution ou d’une entreprise. Dès que la monnaie entre dans le circuit économique, elle se met nécessairement au service de l’intérêt de qui en est propriétaire, elle perd donc instantanément sa « neutralité d’action et d’utilisation ». Il faut donc flécher l'utilisation de la monnaie au moment de sa création, avant qu'elle soit soumise à l'intérêt d'un futur propriétaire.
L’idée est donc simple : à l’endroit où la monnaie n’est la propriété de personne, utilisons cette « énergie économique » dans des domaines où personne ne l’utiliserait par manque d’intérêt particulier ou spéculatif. Cette monnaie devient ainsi une pure création politique qui peut donc être fléchée à dessein de choses dépassant l’intérêt particulier, comme la transition écologique et sociale par exemple. Les projets se réalisent, mais la monnaie demeure ! Elle glisse de domaines en domaines sauf si elle sort de l'économie dans des paradis fiscaux ou autres bas de laines.
Nous devons inventer une économie où le profit proviendrait d'autre chose que de l'extraction des ressources naturelles. Ce qui implique nécessairement une reformulation totale de notre système économique et monétaire.
Dans un deuxième temps, cette monnaie non-dette « glisserait » vers les banques commerciales au DAV (dépôts à vue) de ces entreprises. C’est ici que nous définirions alors une nouvelle règle bancaire et comptable. En même temps que les banques créditeraient les DAV de ces entreprises de ces sommes (leur CA), ces mêmes sommes serviraient de réserves obligatoires (base monétaire) (peut-être en monnaie centrale fiduciaire), cette fois pour le fonctionnement du monde marchand. Ce serait une nouvelle convention bancaire.
Dans cette animation, nous pouvons suivre le circuit que fait la monnaie et voir qu'en fonction de sa position dans l'économie, elle change de statu et de caractéristiques. Evidemment, cette stratégie doit se faire sur un laps de temps de quelques dizaines d'années de sorte à éviter un choc de demande provoquée par une trop brutale création monétaire ou une panique des marchés.
- Une banque de premier rang donne à des entreprises dédiées à la transition et sous condition d'appel d'offre son chiffre d'affaire par simple création monétaire ex nihilo.
- Une fois que cette monnaie se trouve dans le DAV de ces entreprises, se met en place une nouvelle convention bancaire. Cette monnaie est à la fois le capital de ces entreprise et sert en même temps de réserves obligatoires à la diffusion de monnaie endogène pour les projets à plus-values.
- à mesure que cette monnaie entre dans les banques commerciales, il est convenu que les taux de réserves obligatoires augmentent de sorte à contrôler à rebours le niveau d'émission de monnaie (dette) dans l'économie marchande.
- L'idée n'est pas d'annuler la dette (ce qui ne manquerait pas de mettre en colère les créanciers), mais de la rembourser par création de monnaie non-dette qui par effet de vitesse de la monnaie (PT= MV) engendrera une TVA qui permettra aux états d'alléger leurs dettes en ne frustrant personne.
Il pourrait sembler absurde de vouloir éteindre le trop plein de monnaie (dette) par une création d’encore plus de monnaie (non-dette), alors que notre situation mondiale actuelle ressemble à ceci : c'est comme disposer d'un porte-monnaie qui contient 250 désirs d'achats et entrer dans un magasin qui ne contient que 80 possibilités de vente... et on est en train de vous dire qu'il va falloir encore créer plus de désirs d'achats dans un magasin qui ne peut pas grandir et ne peut pas disposer de plus de stock.
Certes, certes... Comprenons qu'il s'agit de relancer une économie symbiotique où les dépenses des agents vers des consommations, des loisirs et des plaisirs devenus symbiotiques (justement grâce à cette transition). Les gens ne disposeront pas de plus de monnaie pour acheter une cinquantième voiture de sport haut de gamme ou une quarantième villa secondaire. Les gens seront incités à orienter leurs consommations vers des choses telles que des loisirs dématérialisés et une consommation rationnelle. Autrement dit, le jeu de l'hyper consumérisme qui consiste à posséder le plus possible de "jouets" à sa mort doit prendre fin.
Dans la conscience que notre mode de vie constitue la cause première du capitalocène, il ne s'agit pas que les créanciers retrouvent leur argent (augmenté d'une usure) pour acheter plus encore de babioles inutiles et polluantes. mais dépensent cet argent vers des domaines où l'extraction ne provoque pas trop de ravages.
La transition écologique ne pourra se faire que si en même temps, nous libérons les hommes de la "bullshit servitude" et que nous inventions une consommation de plaisirs de désirs et de loisirs symbiotiques et non-extractifs. Si les hommes ne sont plus soumis à la condition productiviste, il convient qu'ils ne s'ennuient pas.
Par ailleurs, il faudra aussi inventer une forme de méritocratie radicalement déconnectée de toutes notion productiviste ; la connaissance, la bienveillance, le sport, auront sans doutes à jouer des rôles fondamentaux dans cette méritocratie non-économique.
C'est à cet endroit que ma proposition peut être perçue comme une atteinte à la liberté. Mais quelle peut bien être la valeur de la liberté dans un monde pollué et ravagé par l'extraction et la frustration des peuples soumis à une servitude pour dette les obligeant à la production de choses absurdes et polluantes au nom de la rentabilité.
Grâce à ces dépôts de monnaie centrale, les banques prêteraient dans un deuxième temps, pour les projets marchands (et donc rentables) de la monnaie-dette sous l’égide de la politique macro prudentielle des réserves obligatoires. Cette monnaie centrale servirait de réserves obligatoires à laquelle on appliquerait un taux de réserves obligatoire. Par exemple si taux de réserves obligatoire de « 10 % », la banque doit conserver 10 % en monnaie centrale de ce qu’elle crée et prête en monnaie dette.
Le coût de la transition écologique semble être de 80 000 milliards de U$ Dollars. Au fur et à mesure de l’injection de cette somme colossale dans l'économie, nous jouerions avec les taux de réserves obligatoires qui, peu à peu, augmenteraient (inversement proportionnel) pour ne laisser au final que de la monnaie centrale dans les banques. Alors que le niveau de la base monétaire augmente, le taux de réserves obligatoires diminue et les prêts de monnaie dette diminuent de même.
Imaginer un mix entre la cryto-monnaie et le Bancor de Keynes ?
Nous pouvons aussi imaginer une crypto-monnaie centrale décrétée par consensus international. Une sorte de fusion entre le « Bancor » de Keynes et la crypto-monnaie qui servirait d’étalon supranational (hors dollar).
Nous pourrions envisager une « Crypto-Bancor » supra nationale qui servirait lors de sa création à financer la transition écologique et sociale, et qui servirait ensuite « d’agrégat monétaire M0 », de base monétaire pour le fonctionnement de la finance marchande.
Comme le contrôle de l'inflation pourrait se faire par le jeu des réserves obligatoires, Dans la mesure que la base monétaire augmente, le taux de réserves obligatoires augmenterait aussi (c'est inversement proportionnel) de sorte à contrôler la quantité de monnaie.
Possiblement qu’au bout d’un certain temps, les banques ne prêteraient plus que de la monnaie centrale. Plus besoin de création de monnaie-dette, puisqu’il y aurait des réserves à hauteur de 80 000 milliards de base monétaire (ce chiffre peut évoluer). Cette méthode s’approcherait peut-être du « 100 % monnaie » de Irving Ficher.
Faire comme si la NATURE était une entreprise
Je parle depuis le début d'une monnaie non-dette, mais c'est un peu une erreur. Là où je vous amène est une idée que cette monnaie trouverait sa contre partie dans ce que la nature nous a donné en termes d'extraction de ressources naturelles. Autrement dit, la nature a déjà depuis bien longtemps assumé sa contrepartie, sauf que cela, nos méthodes comptables, habituellement axées sur "l'extraction gratuite", n'en n'ont jamais tenu compte.
Pour la création de ce système, j'imagine une nouvelle règle comptable où l’on ajouterait un organisme de niveau banque centrale qui aurait pour prérogative de diffuser cette monnaie non-dette, nous appellerions ce « balance sheet » (en français = bilan) « NATURE ». A l'actif de ce bilan, l’extraction des ressources naturelles et au passif, une création de monnaie non-dette à dessein de la transition écologique et sociale.
L'idée est de faire éclore des entreprises d'un genre nouveau. Leur raison économique n'étant plus l'extraction en vue de la production de marchandises, mais de services de régénérescence de la nature et la préservation des communs. Le "profit", le chiffre d'affaires de ces entreprises se ferait par création monétaire pure et serait radicalement déconnecté de la production de marchandises, ce qui implique une théorie monétaire diamétralement opposée à la théorie quantitative ainsi qu'à la supposée neutralité de la monnaie. De surcroît, dans le souci de l'urgence environnementale, nous nous épargnons la perte d'un temps précieux entre une fiscalité baignant dans "l'univers enchanté des paradis fiscaux", mais aussi les chamailleries entre les collapsos et climato-sceptiques.
En créant cette nouvelle forme de revenus (pouvoir d'achat) sans création de marchandises "en face", les libéraux craindront sans doutes une demande plus forte que l'offre. C'est discutable, et nous avons vu comment nous pourrions utiliser les outils monétaires des banques centrales pour "réguler par avance" la prévision future de l'inflation, en l’occurrence jouer sur les taux de réserves obligatoires. Au fait... Vous vouliez 2% d'inflation ? Les voilà.
La philosophie est simple : Si je prends… Alors je répare ! Si on prend (gratuitement) à la nature, alors on se donne les moyens de réparer « gratuitement » la nature !
"Réparer Gratuitement" la nature, c’est une façon de dire avec une monnaie qui ne soit pas une dette à rembourser plus tard par le biais d’une extraction future de ressources naturelles. Puisque d'une certaine manière, la nature a déjà payé sa contribution à toutes les réussites humaines... Certes, cela ressemble plus à de la philosophie qu'à de la comptabilité, mais il conviendra de raisonner de la sorte si nous souhaitons faire perdurer le lien vital entre la planète et les hommes.
En créant cette monnaie non-dette en contrepartie de nos prélèvements de ressources naturelles, on fait comme si la Nature était une entreprise disposant de sa propre gestion et de son propre bilan. Comme si elle facturait aux hommes les coûts de leur extraction et qui lui permettra de se réparer, comme le ferait une entreprise humaine. Cette monnaie serait fléchée à dessein de projets régénératifs.
Cette monnaie non-dette aurait pour effet de combler 2 trous :
- Le trou que les hommes font à la nature par extraction de ressource naturelle, en créant une monnaie radicalement déconnectée de la production de marchandises. Ici cette monnaie est le chiffre d’affaires d’entreprises qui réparent la nature.
- Par ruissellement keynésien, l’économie du monde marchand serait relancée par la demande du monde non-marchand. Par effets domino, les dettes (souveraines et privées) se comblent de sorte à devenir plus soutenables, sans pour autant être totalement éteintes (Pour rappel : si pas de dettes, alors pas de monnaie). L’objet est avant tout de créer une nouvelle sorte d’économie, "du profit déconnecté de la marchandise", tout en relançant un nouveau paradigme monétaire plus respectueux de la nature.
L’idée étant d’inventer des sources de profits qui ne tireraient pas leurs origines depuis l’extraction mais depuis la réparation. Nous créons ici équilibre, justice et durabilité entre les hommes et la nature.
Des taux directeurs à la cartes ?
Par ailleurs, pour les domaines marchands, nous pourrions imaginer des taux directeurs « à la carte » en fonction de la vertu écologique et sociale des projets. Un taux à 3 % pour les projets respectueux et des taux plus forts pour les projets à fortes externalités négatives. Autrement dit, pour les projets socialement et écologiquement nuisibles, l’argent coûterait plus cher. Bien entendu, pour éviter des effets d’aubaines, ces taux forts feraient l’objet d’une fiscalité forte de sorte à démotiver la spéculation.
La nature (représentée évidemment par des hommes) disposerait dorénavant d’un moyen financier à donner aux hommes de la réparer et régénérer. Engendrant ainsi équilibre, justice, et durabilité entre les hommes et la planète.
Le renouvellement de l’action humaine
Nous entrons dans un monde où les machines relèvent les Hommes de la production. Alors il sera sans doute pertinent de déconnecter les revenus des hommes de l’idée qu’ils doivent produire pour mériter leur subsistance. Nous pouvons alors imaginer un revenu de base ou un système où l’état serait employeur en dernier ressort, ou encore un mix des deux en fonction des besoins.
Les machines, êtres insensibles, sans consciences et donc, sans souffrances, deviennent spontanément des esclaves modernes libérant les hommes « du Ponos » (Grec : corvée). Mais il restera aux hommes l’ « Ergon » (Grec : Passion) et les tâches relevant de la bienveillance sociale et du vivre ensemble, et toutes sorte d’activités artistiques, culturelles, la recherche ou la diffusion des connaissances.
Il est fort à parier que bon nombre des « activités d’utilité artificielles » qui se créaient spontanément par le système de réussites sociales conditionnées par la monnaie dette, disparaîtront. Délivrant ainsi les Hommes d’une servitude absurde, inutile et polluante, et la planète d’un pillage irraisonné de ses ressources naturelles. Il restera sans doutes aux Hommes du labeur, mais seulement le labeur utile socialement et écologiquement. Ces labeurs ne seront plus soumis à la discipline de la rentabilité obligatoire par l'extraction. En nous libérant de la monnaie dette, moyen exclusif d’orchestrer les réussites sociales, nous libérons le monde de « l’utilitarisme marchand irrationnel ». Nous ne conservons que les domaines utiles, ce qui, forcément fait que les hommes retrouvent leur temps.
Conclusion: Déconnecter la rentabilité de l'extraction
Nous voyons ici que les choses qui préalablement étaient financées par l'argent de l'impôt, sont financées prioritairement et "en amont de tout" par simple création monétaire. Ce qui semble plus pertinent et plus rapide, pris que nous sommes dans l'urgence du dérèglement climatique.
Nous n'avons plus les moyens ni le temps d'attendre après le bon-vouloir des marchés """efficients""" pour financer des domaines qu'ils sont incapables de prendre en charge. Nous devons inventer quelque chose de nouveau, de radicalement différent et surtout, plus rapide. Comme les keynésiens le disent, la monnaie n'est qu'une "vue de l'esprit". Avec les technologies actuelles, il semble évident que des portes, autrefois fermées par le manque de connaissances et de moyens techniques, restaient closes, mais ce n'est plus le cas dorénavant. La monnaie n'est qu'une imagination, une idée ! Les idées changent avec le temps et les nécessités des époques. Son organisation et ses rouages peuvent parfaitement être orientés à dessein de projets et de motivations diverses.
Sauver le monde des hommes et la biodiversité devra mobiliser les créativités et les intelligences. Nous devrons dépasser les dogmes et les sophismes qui ont été érigés tels des vérités.
Nous devrons dépasser nos cultes et nos religions du labeur. Oser dire que si une activité engendre plus d'externalités négatives que de choses bénéfiques pour la société et la nature, alors cette activité n'a aucune raison d'être et toutes les raisons de ne pas être !
Le futur du travail des hommes ne doit plus être déterminé en fonction du courage et de mérites productivistes qu'en fonction de la pertinence de ce que nous faisons. Dans nos activités, nous devons mettre la pertinence à un rang intellectuel et culturel bien plus élevé que le courage pour lui-même.
Dorénavant, la pertinence sociale et écologique d'une activité doit être placée sur une marche plus haute que la simple question de sa rentabilité.
C'est au prix de ces dépassements culturels et intellectuels, de ces transformations d'idéaux, de ces révolutions mentales, que nous dépasserons le capilalocène.
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