Il était une fois une planète bleue...
Par Jean-Christophe Duval
Nous n’avons jamais vu un huissier frapper à votre porte un beau matin, mandaté par la nature, vous présenter la facture des 4 morues et des 5 saumons que vous avez péché le mois dernier.
La nature ne sait pas faire cela, car sa comptabilité est naturelle, alors que la nôtre est devenue « politique », tentant tant bien que mal, d’orchestrer les cupidités des hommes sous l’égide d’une certaine morale méritocratique. C’est la comptabilité et l’unité de compte (monnaie) qui permet de réaliser cette prouesse. Mais l’humain est une bête disposant d’une intelligence tellement affûtée qu’elle en est devenue narcissique. Nous luttons tous contre tous dans des luttes de « l’avoir » en oubliant « d’être ». Et cet « avoir » c’est la comptabilité humaine qui en organise les contours, dans tout cela, la nature n'est qu'une variable d'ajustement.
La comptabilité de la nature en revanche, s’organise avec le temps et une certaine sérénité sous l’égide d’un « grand calcul » si fin et si complexe, qu’aucune intelligence humaine n’a été capable la percer. Nous n’en tenons pas compte, mais nous nous soucions essentiellement de nos réussites socio-économiques. Cela sans tenir compte du fait que si la démographie des hommes ambitieux et orgueilleux augmente, la planète, quant à elle ne grossit pas ! Les animaux ne chassent jamais par ambition, par désir de pouvoir ou pour satisfaire une certaine méritocratie basée sur la comptabilité des efforts et des ventes, la surexploitation d’un excédent de production ; Les hommes, si !
Comprenons que nos façons d’orchestrer nos vies au sein d’un équilibre naturel installé depuis des millions d’années avant l’arrivée de nos « divines interventions », ne pouvait qu’engendrer des calamités irréversibles. Nous abusons de la nature sous l’égide d’idées, de morales, de principes, voire de culture et de droit. Comment l’humain, cet être à priori doué d’intelligence, peut-il être le principal artisan du drame dans lequel il s’engouffre ? C’est ce que nous allons tenter de comprendre dans cette série.
Chez les hommes historiquement, nous avons inventé des religions qui tentèrent de nous faire croire que nous étions autre chose que des animaux. La naissance de la spiritualité, puis l’apparition des religions peut s’expliquer par la grande longueur de temps, plusieurs centaines de millénaires, entre notre état d’homme singe et l’invention de l’écriture. Avant l’écriture ? Un grand trou noir auquel seuls les archéologues et anthropologues parviennent parfois à répondre à quelques énigmes.
Imaginons que les singes que nous étions avaient eut le moyen de transmettre une histoire au-delà des générations, comme l’écriture par exemple, aurions-nous pu prétendre que ce sont des dieux ou un dieu qui nous avaient créé ?
Ce grand « trou noir » dans notre histoire anthropologique est précisément ce qui a permis aux religions de trouver de la gloire et de la ferveur auprès des crédules, car les croyances savaient apaiser les phobies de l’hyper-conscience de la mort prochaine et inéluctable. Nous ne savons définir une chronologie historique que depuis le temps où nous savons écrire et consigner des faits ou conter des fables, environs 5000 ans. La mort est une grande inconnue, une énigme angoissante. Une belle occasion pour des ambitieux en politique de prendre le contrôle des masses peureuses et ignorantes en leur racontant des fables rassurantes. La religion dispose ainsi de deux grands effets, l’un est politique, l’autre est policier. Politique dans la mesure où celui qui prétend détenir les clés du paradis dans la mort, détient du même coup le pouvoir politique dans la vie. Et policer aussi ; quel policier plus efficace que celui qui parvient à vous faire croire que si vous faites le bien vous irez au paradis et si vous faites le mal vous irez en enfer ?
Un certain Max Weber (auteur de « éthique protestante et esprit du capitalisme ») va encore plus loin en nous martelant que le travail et le courage sera glorifié par l’Éden tandis que l’oisif prétendument vicieux embrassera le triste sort des flammes d’Hadès.
Nous nous forçons donc au labeur et à un sur-prélèvement des ressources naturelles pour mériter nos « galons » dans la morale humaine, la justice, la morale et le mérite de l’effort. Nos intelligences nous forcent à compter et à observer nos semblables. Nous comparer à eux tout en sachant qu’eux-mêmes se comparent à nous. Comme notre « philia » se perpétue de génération en génération sous l’égide de la morale d’un effort reconnu et accepté par tous nos semblables. Nous nous forçons alors à faire des efforts pour que ces derniers nous acceptent et nous reconnaissent. Celui qui "fait" mérite et sera accepté ! Celui qui ne "fait pas" ne mérite pas et ne sera pas accepté !
Là où les lions (les lionnes plutôt) ne chassent que lorsque elles ont faim, organisant ainsi et assez spontanément un ordre entre proies et prédateurs (Lotka et Volterra), les hommes font tout l’inverse de ce pragmatisme anthropologique. Ils prennent, plus et encore, dans le but d’assouvir un désir de puissance sociale. Les hommes campés au sommet de leurs divines intelligences sont handicapés de tares calamiteuses que les lions ou n’importe quels autres animaux ignorent : l’orgueil et le narcissisme ! Une caractéristique qui leur fera s’acheter des objets de luxe dont le but sera de signifier de la puissance et de la distinction aux regards de la société qu’ils se sont inventé et qu’ils entretiennent. Des gens piquousés en permanence aux effets de l’artificiel qui en dit long sur nos états de santé économique. Nous exhibons nos choses de la même façon que le militaire expose ses médailles ; le but est de signifier de la puissance, de la compétence « anthropologique » et déclarer aux autres nos mérites, nos victoires. Des atouts indispensables pour une séduction basée sur la comptabilité de nos efforts.
L’humain est une espèce narcissique parce que trop intelligente. Une dynamique entre intelligence et narcissisme qui ne pouvaient l’une et l’autre, qu’évoluer de façon synchrone. Notre intelligence nous a fait devenir narcissique et notre narcissisme (conscience de soi, instinct de mort) aiguisa notre intelligence dans le but de survivre plus vite, plus grand, plus haut, plus fort que les autres prétendants au groupe des femelles, et ce, dans le temps imparti du chronomètre de la vie. La sélection sexuelle du plus apte.
Pauvres bêtes que nous sommes en réalité ! Nous nous prétendons puissants, alors que le moteur premier nos d’intelligences et de nos ambitions ne se trouve qu’entre nos jambes. C’est le cu(bip)l qui fait tourner le monde, vous n’étiez pas encore au courant ? L’argent dans la comptabilité humaine permit de transcender la biologie et l’instinct, le but étant toujours la reproduction. Les hommes pour accéder à la reproduction ne se servent pas de la force, ils se servent de la séduction. Ici, l’argent n’est qu’un chemin vers ce but de séduction. Évidemment, nos éducations et les artefacts judéo-chrétiens qui remplissent nos comportements nous martèlent qu’il est de bon ton ne point parler publiquement de ces choses-là… Moi je dis : F(bip)CK !
Trêve de « philosophades » et de « psycho-socio-anthropologie pornographique » et recentrons-nous sur le sujet. L’homme, cet animal qui se prend pour dieu parce qu’il est intelligent, mais trop narcissique pour admettre son évolution (des singes ? Beurk !), crut être naturellement judicieux de mettre la nature au service de sa divine intelligence, de ses plaisirs et de ses projets.
Il se pensa atterrit un beau matin dans ces forêts, ces prairies, parmi ces bêtes idiotes, dénuées de conscience et de raison d’être, et décréta mettre des clôtures autour de ces choses garantes de sa sécurité physiologique et déclara « Ceci est à moi ! ».
La sur-exploitation d’un excédent de ces choses lui permit de faire fructifier ses commerces et ses réussites sociales. Mais sans jamais se poser la question de s’il en avait le droit. Le droit ? Cela s’achète ! « L’usus et le fructus qui nous sont fournis par nos textes de loi et nos contrats de propriété ! La propriété garante de la liberté ! Voilà ! C’est ça le droit ! » Rétorqua notre divine création.
Mais nous sommes arrivés à un endroit où le bon droit des hommes avides se confronte à des lois naturelles bien plus hautes et bien plus sacrées que les ambitions et les calculatrices.
Écrire commentaire
Dominique Gagnot (vendredi, 22 novembre 2019 15:32)
Très beau texte, qui en plus tape dans le 1000.
Peretz (vendredi, 22 novembre 2019 20:50)
C'est l'Amérique qui est une entreprise. Selon le dogme de l'école de Chicago c'est la nature, donc on ne peut rien faire. Faux ! L'économie est un adaptation humaine, mais conçue comme un système devenu diabolique.