Quelle est donc cette alchimie qui nous oblige à faire des choses que nous ne devrions plus faire et nous empêche de faire des choses que nous devrions faire ?
Nous devrions réaliser la transition écologique et sociale, mais nous semblons prisonniers d’un immobilisme insurmontable. Nous devrions stopper la production de choses à nuisances, mais nous semblons bloqués par le fait que si nous faisions cela, si nous arrêtions tout, nous serions soudainement perdus dans un monde où « faire quelque chose de sa vie » est une norme depuis des siècles. Dans une société qui a érigé le travail en vérité et adossé le mérite sur la comptabilité du « plus faisant », nous ne faisons que « faire pour faire », produire pour produire.
Pourtant, par la nécessité de la transition écologique, nous allons être amenés à faire de grands choix. Nous devrons déterminer les choses essentielles non-plus en fonction de critères financiers, mais e fonction de critères sociaux et écologiques. Bien que c’est le travail qui forme le ciment de la société humaine, nous arrivons à une époque où nous devrons nous défaire de notre sacro-sainte obligation d’homo œconomicus hyper laborant, pour ne conserver que des choses utiles sur d’autres plans que le critère économique.
L’homo œconomicus qui surproduit pour réussir et surconsomme démontrer sa réussite est un modèle de vie dont nous devrons prochainement nous défaire.
Notre système de valeur morale, de mérite et de justice de l’effort nous enclin au labeur, mais est-ce que le type de labeur que nous nous forçons à faire est moral ? Finalement, ne faisons-nous pas que « faire pour faire » ? De « produire pour produire » ? Toute cette inhumaine comédie, ce florilège de « bullshit jobs », nourrissant en tâche de fond, le moulin d’une finance rentière.
Avons-nous besoin de créer encore plus de smartphones ? Encore plus de téléviseurs 8 K, puis peut être 16 K de plus en plus énergivores ? Toujours plus de ces babioles à obsolescence programmée ? Avons-nous vraiment besoin de créer une 1000ᵉ marque de crème dessert et autant d’emballages plastique ? Tout ce productivisme ? Tout ce consumérisme ? Tout ce que nous nous obligeons à faire a-t-il réellement du sens ?
En revanche, nous devons financer la transition écologique, dépolluer les océans, traiter nos déchets nucléaires. Nous avons tellement de belles choses à faire sur le plan du social, de la bienveillance et de l’entraide. Mais ces tâches ne sont pas spontanément acceptées par notre modèle financier, car elles font partie de ces domaines qui coûtent, mais ne rapportent pas.
Les hommes ne polluent pas pour le plaisir de polluer. Ils polluent tout simplement parce que c’est la manière la moins coûteuse de produire.
Comprenons qu’une finance rentière oblige souvent à une économie extractive et polluante. C’est la nature qui est le payeur en premier ressort de notre système de croissance ! La contrainte de rentabilité fait qu’une dette se rembourse souvent avec un acte productiviste, marchand, extractif et occasionne toutes sorte d’externalités négatives sur le plan social, sanitaire, éthique, énergétique et bien sûr, environnemental. Nous avons alors besoin d'une finance qui permette de faire des choses de très très long termes et qui relèvent du bien commun, de la régénérescence de la nature. De toutes évidence, notre système économique ne sait pas faire cela.
Cet ouvrage postule qu’une finance non-rentière permettrait aux hommes de réaliser le contraire de ce à quoi nous oblige une finance rentière. À savoir : Réparer plutôt que détruire. Préserver plutôt que nuire. Tendre la main plutôt que haïr. Ainsi, c’est tout un paradigme économique, social, culturel, que nous devons repenser.