Par Jean-Christophe Duval
Dans le cadre de l’idée néolibérale de la monnaie (la théorie quantitative), le seul moyen qu’ont les hommes de réussir économiquement a forcément un rapport avec l’extraction de ressources naturelles car, seule cette façon de faire donne une accréditation tangible à la monnaie, à la solidité supposée du système monétaire. Nous sommes en présence d’un monde où les hommes se forcent à faire des activités ayant rapport avec l’extraction car, seules ces dernières sont capables de produire de la rentabilité et de satisfaire les marchés.
En observant le monde moderne, nous pouvons conclure que, sous le glaive incontournable de la rentabilité, la discipline par la dette, nous nous forçons souvent à faire des choses polluantes et dégradantes de l’environnement car plus plus il y aura de recherche de rentabilité, plus l’extraction de matières premières est grande, plus les dégâts à la nature seront importants. Constatons qu'il y a bien sûr des domaines extractifs utiles et incontournables, mais ceux-ci sont souvent déjà occupés par des primo arrivants. Cette situation de monopole conduit souvent les individus nouveaux entrants dans l'économie à l'innovation... Parfois cette innovation sera pertinente, mais de plus en plus souvent, elle sera une innovation bullshit ! Son seul but sera de donner de la servitude à des hommes et de la rentabilité à des rentiers, mais au final, l'utilité réelle de ces objets est plus que douteuse.
En observant la société, il est aisé de constater que les hommes modernes se forcent la plupart du temps à l'innovation bullshit, parce que les innovations pertinentes sont de plus en plus rares à trouver; et que beaucoup de choses utiles ont déjà été inventées précédemment par d'autre bien avant nous.
Comment l'homo œconomicus moderne peut-il avoir des chances de réussir dans un tel capharnaüm de babioles à obsolescence programmée vendues par des télé-marketeurs dont les résultats de ventes sont étroitement surveillés par des managers / foueteurs d'esclaves, terreurs des plateaux phoning ?
Nous produisons à outrance des choses parfaitement inutiles, mais nous les faisons parce qu'elles sont économiquement rentables et qu'elles nous permettent de nous assumer socio-économiquement. En revanche, nous ne réparons jamais les dégâts de ces productions outrancières, simplement parce que ces domaines ne sont pas rentables. C’est comme si on glissait la poussière sous le tapis, sauf que ce tapis, c’est la nature, et elle gronde !
C’est pour cette raison que je conclue que notre système financier est incomplet, car une monnaie diffusée essentiellement sous forme d’une dette appelle nécessairement à l’activité rentable donc, souvent l’extraction. Nous avons besoin d’un système monétaire d’un genre nouveau qui nous permette de faire le contraire de l’extraction, la réparation.
J’en conclus que si nous voulons réaliser le green new deal, la transition écologique, nous devons premièrement comprendre que cela ne pourra se faire sans avoir saisi les conséquences de l’incomplétude de notre système bancaire et financier. Nous devons inventer une deuxième finance, « au-dessus » de celle que nous avons. Une finance qui financerait des choses que les banques commerciales ne financent jamais, comme des choses dénuées de plus-value, d’actifs tangibles.
Pour réaliser cela, il faut mettre en place des méthodes monétaires nouvelles dont la fonction sera de diffuser une monnaie « non-dette » directement fléchée vers les domaines non-spéculatifs. Ce sera possiblement un rôle inédit des banques centrales ou d’institutions d’un nouveau genre. Ce sera un moyen de créer de nouvelles sortes d’entreprises dont l’objet sera de réaliser la transition écologique. En créant cette nouvelle sorte de monnaie, c’est comme si nous créions une nouvelle sorte de profit, de chiffre d’affaires, qui ne proviendrait pas de la marchandisation des ressources naturelles, mais de la réparation de la nature.
Cette nouvelle sorte de monnaie aurait pour effet de redonner un sens véritable aux destins des hommes, car elle leur donnerait un revenu tout en leur permettant de réparer le monde. Ils ne seraient plus contraints à la « bullshit servitude », aux actes dénués de sens, aux « activités d’utilité artificielles », à « l’utilitarisme marchand irrationnel ». Libérés de la contrainte spéculative, de la discipline économique par la dette, ils feraient des choses socialement et écologiquement utiles, des activités qui ont vraiment du sens !
C’est pour cette raison que la transition écologique ne pourra pas se faire sans la transition sociale et économique car ces trois domaines sont intimement liés. En transformant le système monétaire, on libère les hommes de la « bullshit servitude » et on se donne les moyens d’activités de sens et d’utilités réels.
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