3E
Écologie Économie Éthique
Manifeste pour une finance écologique, humanitaire et sociale.
Introduction
Je m’appelle Jean-Christophe Duval auteur et chercheur indépendant en science économique et monétaire. Mon domaine de recherche tente de mettre en évidence les liens entre notre système financier et le désordre environnemental. Je tente aussi d’y apporter des solutions. Ce texte de quelques pages est un rapide résumé de mes livres et des idées que je souhaite vous faire connaître. Merci à ceux qui me feront l’honneur de le lire.
1) Nous sommes les premiers acteurs de notre calamité
Nous détruisons notre monde pour manger, séduire (acceptation, intégration, distinction et reconnaissance sociale) et rembourser à des banques le tarif de nos réussites.
Servitude alimentaire
Les hommes dépossédés des moyens de production sont contraints à brader leurs vies pour gagner leur survie. Des penseurs allant de Marx à La Boétie, de Proudhon à Rousseau, de Bataille à Arendt ont clairement mis en évidence que l’accaparement des moyens de production de la part d’une minorité ne pouvait avoir pour effet que de réduire en esclavage ceux qui n’étaient propriétaires de rien. Là où Frédéric Lordon nomme ceci « le chantage », je définis cela comme « la servitude alimentaire ».
Servitude culturelle, désir d’appartenance de reconnaissance et ambition
La culture sociale a érigé le travail comme une vérité morale et a adossé le mérite sur la productivité. Le travail est culturellement le centre de nos logiques de gratifications sociales telles que la distinction, l’appartenance, l’intégration, l’acceptation, la reconnaissance. Souvent, nous m’aimons pas le travail pour lui-même que pour toutes les gratifications sociales et culturelles que le travail engendre. Ainsi et souvent nous nous forçons à prétendre aimer le travail (Il convient cependant de distinguer le travail « Ponos » (en grec : corvée) du travail « Ergon » (en grec : activité passionnante)) pour satisfaire à un conformisme socio-culturel décrétant l’oisiveté un vice et l’action une vertu. Les gens sont prêts à subir le labeur, un peu comme une sorte de challenge car, c’est ce qui permet d’accéder à la reconnaissance et l’intégration sociale. L’ambition est vu comme une haute valeur de liberté, alors que les individus indolents et passifs sont souvent sujets à des mises à l’écart.
Monnaie dette et économie extractive
Le travail est sélectionné par la finance en fonction de critères de rentabilité. Ainsi, tout labeur en puissance, ne se transformera en emploi que si l’on y détecte une plus-value. Dans ce sens, l’extraction est rentable, la régénérescence et la précaution sont négligées faute de rentabilité.
Le bien commun fait partie de ces secteurs tels que l’écologie, la bienveillance sociale ou l’humanitaire qui n’intéressent personne en particulier, mais tout le monde en général. D’un point de vue strictement financier, ce sont des secteurs qui coûtent mais ne rapportent pas. Le financement de ces domaines ne peut se faire que par l’argent de l’impôt, ce qui dans un monde rempli de paradis fiscaux engendre lourdeurs, impuissance et pertes de temps.
2) Le mythe de Sisyphe de la dette
La monnaie dette des banques privées
Nous avons tous entendu parler de monnaie dette, mais peu de personnes savent réellement de quoi l’on parle. Les banques privées créent de la monnaie scripturale, par un simple jeu d’écriture comptable. Ainsi, on dit que ce sont les crédits qui font les dépôts. En effet, si le crédit n’existe pas, la monnaie n’existe pas et l’économie est bloquée faute de liquidités. Le principal problème étant que les seules activités que les banques ne financent, sont celles dont le risque est minimisé. La rentabilité est donc le principal critère de la création de monnaie. Ce qui exclu ici toute création de monnaie à destination de domaines qui coûtent et ne rapportent pas.
La croissance ? C’est quoi ?
Il faut bien comprendre que toute innovation ne peut être portée que par du matériel. La croissance ne tient en rien d’autre que dans le fait de transformer des ressources naturelles en marchandises, puis en chiffre d’affaires. D’une certaine manière, nous transformons des choses que la nature nous donne de façon gratuite, en des choses à vendre dans la comptabilité humaine. Une partie non négligeable des professions que nous pouvons définir comme rentables, de l’innovation à la propriété intellectuelle, de la transformation à l’importation, de la communication à la vente, du service après vente à l’assurance, deviennent soudainement sans objet si en amont de toute cette chaîne, il n’y a pas l’extraction. Notre économie, ainsi que la solidité de notre système monétaire (actuel) ne trouvent leurs raisons que dans l’extraction. Ainsi, c’est la nature elle-même qui est le payeur en premier ressort de notre système de croissance économique.
Polluer, c’est la manière la moins coûteuse de produire
La pollution n’est pas un hasard. Elle n’est que le résultat de nos logiques d’économies de ronds de carottes. De la même façon que nous glissons la poussière sous le tapis, nous demandons à la nature d’absorber nos égoïsmes et nos empressements. Les exemples vont de la pollution des océans, des décharges à ciel ouvert au Ghana, des hydrocarbures dans nos cours d’eaux, des phytosanitaires, etc.
Nuire rapporte, réparer coûte
Dans nos empressements de réussir, nous demandons à la nature beaucoup trop, trop brusquement et trop vite, que ce que cette dernière ne sera capable de se régénérer à sa propre vitesse. La compétition, le désir de réussir en remboursant au plus vite une dette de banque, éviter la faillite, oblige l’action humaine à des activités prédatrices et dégénératives.
Ma loi dynamique du matérialisme
De la même façon qu’en physique toute action engendre une réaction, en économie toute transformation dans le but d’engendrer des bénéfices, engendre aussi son lot de nuisances. Ces nuisances que l’on appelle des externalités négatives sont de plusieurs sortes : Sociales, éthique, dignité humaine et animale, sanitaire, énergétique et environnementales. Ainsi, si nous recherchons des bénéfices nous engendrerons des transformations qui nous feront avoir ces bénéfices, mais du même coup engendreront des nuisances. Inversement, la réparation de ces nuisances, nous fera avoir des coûts sans aucuns bénéfices. Dramatiquement, nous détruisons notre monde parce que cela rapporte, et nous ne le réparons pas parce que cela coûte.
L’absurdité : Nous devons détruire pour trouver les moyens de réparer
La réparation des externalités négatives n’intéresse personne financièrement parlant. Elles ne peuvent se faire que par la fiscalité. Or cela revient à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Pierre doit produire des choses à externalités de sorte à donner un impôt qui permettra à Paul de réparer les externalités. Dans cette logique de fiscalité, nous sommes obligés de détruire pour trouver les moyens de réparer. Engendrant ainsi ce dilemme en 4 actes : 1) Produire à moindre coût engendre des externalités. 2) La réparation des externalités ne peut se faire que par l’impôt ou par le gonflement de la dette publique. 3) Le remboursement de la dette publique ne peut se faire que par la croissance privée. 4) La croissance privée engendre des externalités négatives. Ce dilemme est ce que j’appelle : « Le mythe de Sisyphe de la dette ». Une absurdité qui nous pousse à détruire pour nous donner les moyens de réparer.
Sachant qu’une dette ne se rembourse qu’avec de la croissance et que la croissance n’est rien d’autre que le pillage des ressources naturelles, cela reviendrait à créer une dette pour sauver le monde pour ensuite le tuer pour rembourser cette dette.
3) La crise de l’utilité
Obsolescence programmée, bullshit causes, et autres activités d’utilité artificielle
L’obsolescence programmée est pour moi le symptôme que le capitalisme ne sait plus trouver de raison d’être, autrement que par assistance respiratoire. S’il y a 200 ans, de belles choses furent réalisées lors de la première révolution industrielle, nous sommes aujourd’hui face à un dilemme multiple : La « fin de l’innovation » (réelle et pertinente) couplée à un capitalisme financiarisé.
Nous avons ici affaire, non pas à un capitalisme créatif, mais spéculatif. Des hommes désireux de faire perdurer les performances financières connues lors des derniers siècles attendent désespérément l’innovation salvatrice capable de faire tourner à nouveau l’économie. Si dans les laboratoires, les ingénieurs et les innovateurs ne parviennent pas à trouver le machin bidule, nuisible, inutile polluant mais néanmoins « « indispensable » » au bonheur des hommes, c’est tout une croyance en la créativité infinie qui s’effondre. Et avec elle, les marchés financiers dopés au consuméro-productivisme.
Produire pour produire
De façon synchrone à la finance, les hommes endoctrinés aux vertus culturelles du labeur et par crainte du rejet social qu’engendrerait l’oisiveté, se forcent au labeur. Non-pas que le labeur soit agréable (ou pas forcément) mais parce que nous sommes soumis à des règles d’une société qui a érigé le labeur en une sorte de vérité morale. Le dilemme étant que beaucoup des choses réellement utiles ont déjà été réalisées par les hommes des générations précédentes ou encore, les places d’utilité réelles sont déjà solidement occupées par d’autres hommes, par les effets de la reproduction des inégalités sociales. Dans le furieux besoin ou nécessité de réussir, les hommes seront contraint à une créativité dénuée de pertinence. L’objet étant de « faire pour faire », même si rien (d’utile) n’est à faire. L’utilité de la production n’est pas tant de réaliser des produits réellement utiles, mais de faire réussir économiquement des hommes dans ces productions.
Malédiction chérie
Si pas de problèmes alors pas de travail. Comment vendre des armes si la guerre n’existe pas ? Comment vendre des médicaments si les maladies n’existent pas ? Comment vendre de la perfection si l’imperfection n’existe pas ? Comment vendre du désir si le besoin n’existe pas ? Comment vendre de la sécurité si l’insécurité n’existe pas ? Comment faire perdurer le commerce de nos babioles si l’obsolescence n’existe pas ? Anthropologiquement, nous puisons nos grades sociaux et nos systèmes de gratifications sociales dans le fait de transcender les tribulations que l’évolution a mis sur notre route. Le dilemme étant que si les problèmes venaient à être épuisés cela engendrerait une situation sociale absolument dramatique ! En effet, si le travail (au sens « résolution des problèmes ») venait soudainement à disparaître, il serait extrêmement malaisé pour la société humaine de définir et de légitimer un ordre social. Les hommes soudainement dépossédés de leurs utilités seraient du même coup dépossédés des responsabilités qui sont aux fondements de leurs logiques de gratifications sociales. C’est ainsi, qu’assez spontanément et de manière assez inconsciente, nous ne faisons qu’entretenir des problèmes dans l’unique but de faire réussir des hommes dans la production et le commerce de solutions. Entretenir le mal rapporte plus que de le tuer.
La fatigue d’être soi
Le libéralisme économique et son lot de contradictions est aussi à l’origine de nos troubles, sociaux, humanitaires, écologiques et même psychologiques et sanitaires. Les hommes livrés à eux-mêmes dans la liberté libérale d’entreprendre, sont sommés à la réussite. Ici la liberté est un mixage entre la créativité, la responsabilité et le mérite dans l’effort. Celui qui réussit par l’effort mérite d’accéder à la liberté politique, car la liberté politique est conditionnelle de l’émancipation économique décernés par les efforts. Un domaine où tous luttent contre tous dans des compétitions de marchés et de business renouvelés perpétuellement.
4) Une monnaie pour changer le monde
Le dilemme d’une finance axée sur la dette
Quelle est donc cette malédiction qui nous oblige à faire des choses que nous ne devrions plus faire, et nous empêche de faire des choses que nous devrions faire ? Nous devrions stopper les productivismes absurdes et dégénérescents et plutôt œuvrer dans la transition écologique et sociale, pourtant, une chose nous en empêche : le manque de moyens.
Nous avons des millions de demandeurs d’emplois qui ne rêvent que de trouver une raison, un sens, une utilité réelle à leur vie. D’un autre côté, nous avons des projets sociaux, humanitaires ou écologiques qui demeurent irréalisés faute de rentabilité. Le dilemme de notre équation ne demeure dans rien d’autre que dans une incomplétude notre système monétaire et financier.
La monnaie n’est pas neutre
Contrairement à la logique libérale, je postule que la monnaie ne peut pas être neutre et elle est donc soumise aux choix de ceux qui la possèdent sous l’égide de « La préférence pour la liquidité » (Keynes) et le défaut « La découverte du prix » (« Théorie de l’utilité marginale ». École libérale autrichienne). Ainsi, ce sont les agents économiques qui décident de l’usage qu’ils feront de leurs moyens. Cette utilisation ira nécessairement à destination de la satisfaction d’intérêts particulier, court-termistes ou spéculatifs. En l’occurrence, les domaines du bien commun ne sauraient répondre à ces critères, car ils sont des domaines qui intéressent tout le monde en général, mais personne en particulier. Le seul moyen de faire « revenir » la monnaie (le moyen de faire quelque chose) du domaine particulier au domaine public sera la fiscalité. Mais dans l’urgence climatique, humanitaire et sociale, il semble illusoire de financer ces choses par le biais de la fiscalité dans un monde déterminé par les paradis fiscaux. Ceci est un exemple qui permet d’affirmer que les marchés ne sont pas efficients et que l’homo œconomicus n’est rationnel qu’à l’endroit de son unique intérêt.
Que serait une monnaie vraiment neutre ?
Pour réaliser des choses que les marchés spéculatifs refusent de prendre en charge, nous devons envisager une autre sorte de finance. Le financement de la régénération du bien commun doit être soumis à des règles qui n’appartiennent pas à la logique libérale de la monnaie. Nous devons inventer une finance capable de financer des choses qui coûtent, mais ne rapportent pas et ce, sans que cela nous coûte à qui que ce soit et n’ait besoin de rapporter à qui que ce soit !
Une monnaie vraiment neutre doit obéir à ces 4 critères :
1) Une monnaie qui ne soit la propriété de personne et donc qu’il n’en coûte à personne de la dépenser dans des projets réputés « à fonds perdus », des projets qui coûtent mais ne rapportent pas.
2) Une monnaie qui n’ait pas besoin de rapporter à qui que ce soit. Donc, cette monnaie n’est pas (encore) entrée dans le système de finance spéculatif, nous pouvons donc la consacrer à des projets sans motivations rentière, spéculative et court-termiste.
3) Une monnaie qui ne dispose pas d’une valeur intrinsèque (comme l’or) mais uniquement une valeur symbolique, juridique, politique, il s’agit donc d’une « fiat monnaie » (« Fiat » en latin = Qu’il en soit ainsi)
4) Donc, une monnaie qui ne coûte (pratiquement) rien à produire, pas de l’or, ou une cryptomonnaie coûteuse à produire et qui donc appartiendra naturellement à celui qui aura engagé les moyens de sa production, de son extraction, de son minage.
Monde marchand et monde non-marchand
Le bien commun ? C’est ce que tout le monde détruit parce que cela rapporte, mais que personne ne répare parce que cela coûte ! Dans l’idéologie néolibérale le monde non-marchand est supposé ne pas exister, dans la mesure où tout est censé être assimilable par les marchés supposément efficients. Et selon certaines théories plus que discutables, la croissance finirait par absorber tous les problèmes liés au productivisme. On voit bien ici la limite de ce résonnement. Les choses réputées non-marchandes pourraient inclure toutes les externalités négatives que la production a engendré. Nous sommes nuisibles parce que cela rapporte, nous ne réparons pas nos nuisances parce que cela coûte.
Le monde non-marchand comprends simplement tous les domaines qui ne peuvent être spontanément assimilés pas les marchés. La « découverte du prix » selon la théorie de l’utilité marginale, ne peut être envisagée pour des domaines tels que le bien commun ou l’écologie tout simplement parce que personne en particulier n’a à gagner à investir dans des domaines qui ne pourraient être envisagés que sous un angle régalien. Selon cette théorie bornée à des dogmes bicentenaires, si cela n’a pas de prix (de marché) alors cela n’existe pas. Cela veut-il dire pour autant que l’écologie n’a aucune valeur ? Une valeur marchande, non ! Mais une valeur commune oui ! C’est pour cette raison que je postule que notre système économique est injuste, inefficient, absurde et incomplet. Nous devons avoir une finance pour le domaine marchand et une autre sorte de finance pour le monde non-marchand et pour cette dernière, sans passer par le chemin de la fiscalité (mythe de Sisyphe de la dette).
Nous avons la transition écologique, humaine et sociale à réaliser. Ces domaines ne sauraient être assimilés par les marchés dans la mesure où ceux-ci sont rentiers, spéculatifs et court-termistes.
Nous avons besoins d’un nouvel imaginaire capable de financer des choses de très très longs termes et d’une certaine manière « à fonds perdus » pour quiconque espérerait un retour sur investissement dans le cadre de la durée de vie humaine. Nous avons besoins d’une solution inédite pour financer des projets de très longs termes, sans que cela ne coûte à personne, et sans que cela n’ait besoin de rapporter à qui que ce soit (si ce n’est aux entreprises qui auront les appels d’offres).
Une seule monnaie mais deux sortes de finances
Pour réaliser la transition écologique et sociale, nous avons besoin d’un système financier complètement différent de celui que nous connaissons. Cet autre système financier doit pouvoir financer des projets de très très longs termes et ne pas être soumis à une logique de retours sur investissement. Tout ce que notre finance actuelle ne sait pas faire. Emprisonnés par l’intérêt particulier, aucun investisseur n’accepterait de dépenser son argent à fonds perdus dans des domaines ne relevant pas de son intérêt personnel, mais de l’intérêt commun.
Imaginons que, dans le constat que notre système est bloqué par des obligations rentières et face à l’urgence climatique, sociale et humanitaire, nous inventions un nouveau système monétaire. Comprenons que notre système financier est incomplet dans la mesure où nous ne savons que prélever parce que cela rapporte et que nous ne savons pas réparer parce que cela coûte.
Aussi, notre monde n’a pas besoin tant que cela que les hommes soient contraints à produire encore plus de choses à nuisances pour justifier de la croissance ! Bien au contraire, « le business » de demain se trouvera dorénavant dans le fait de réparer les nuisances et de mener le futur de l’humanité vers une symbiose avec la nature. Contrairement à ce que nous avons vu précédemment ; à savoir le prélèvement de ressources naturelles transformées en marchandises puis, en chiffre d’affaires, nous devrons créer du « chiffre d’affaires » à un endroit où il n’y a pas de marchandises. Nous devons créer une monnaie déconnectée de la marchandise. Et destiner cette monnaie vers des domaines régénérateurs, coopératifs, sociaux, réparateurs, écologiques, humanitaires. Nous devons chambouler l’ordre habituel du ruissellement, nous devons créer les moyens de faire ces projets sans plus perdre de temps dans des parties de cache-cache avec les paradis fiscaux.
Avec une seule devise (l’Euro en l’occurrence), créons « deux étages » de finance. Le premier sera au niveau des banques centrales. Ces dernières, plutôt que de faire du « Quantitative Easing » stérile, où l’argent reste dans les banques sans rien financer de vraiment utile, créeraient directement le financement des budgets écologiques, sociaux, humanitaires, et toutes les choses urgentes mais non-rentables, que les marchés ignorent. La banque centrale aurait pour mission de créer une monnaie (plutôt une finance) qui à cet endroit serait réellement neutre et nous donnerait donc, la possibilité de faire des choses inimaginables avec une finance soumise à la rentabilité. Ce serait une monnaie qui :
1) Ne serait pas une dette, et comme à cet endroit elle n’est la propriété de personne, pas besoin d’impôt pour la rembourser.
2) Ne serait pas soumise à une obligation réaliser des projets rentables.
3) N’aurait aucune valeur intrinsèque
4) Ne coûterait rien à produire
Le point où cette monnaie est créée fait que celle-ci est réellement neutre, il relève ainsi d’un choix purement politique de faire faire à cette monnaie des choses que les marchés sont incapables, précisément par ce que la finance rentière fait qu’une monnaie qui 1) appartient à quelqu’un, 2) Soit soumise à la rentabilité, 3) ait une valeur intrinsèque 4) coûte cher à produire, ne peut être neutre.
Pour résumer, nous devons imaginer un endroit financier qui diffuserait une monnaie qui soit réellement neutre et pas sous l’égide d’une dette à devoir.
Hélicoptère monétaire écologique, humanitaire et social
Les actes se réalisent, mais la monnaie demeure ! Je vous invite à prendre connaissance de la fable de « La dame de condé » que vous trouverez facilement sur le net. La monnaie est un outil permettant aux projets de se réaliser. Tant que la monnaie demeure dans le circuit économique et qu’elle n’est pas captée par des « bas de laine » (préférence pour la liquidité) ou par des paradis fiscaux, elle continue de faire tourner la société humaine pour laquelle, la monnaie n’est qu’un moyen permettant à des projets « en puissance » de se réaliser « en acte ».
Si notre banque centrale est habilitée à produire une monnaie qui n’est pas une dette et à destination de projets que le marché réfute, comprenons que cette monnaie (moyen de faire) ruissellera depuis les domaines non-marchands vers les domaines marchands. Cette monnaie finira bien par se retrouver dans les banques des entreprises ayant remporté les appels d’offres.
Pourquoi alors ne pas définir une nouvelle règle ? La monnaie créée par les banques centrales pour les projets humanitaires, publics, sociaux, écologiques, sera à la fois le chiffre d’affaires des entreprises concernées par ces projets, puis constituera la base monétaire des banques privées pour le crédit des projets marchands. Les actes se réalisent, mais la monnaie demeure !
Pour la maîtrise de l’inflation, les banques centrales conservent deux de leurs outils (sur trois) : le contrôle des taux directeurs et le contrôle des taux de réserves obligatoires.
5) Un nouveau paradigme social économique et culturel
Le travail… Courage ou pertinence ?
Le devenir de l’action humaine ne sera pas tant une question de courage que de pertinence de ce que nous faisons. Cette nouvelle façon de voir la monnaie devra nous libérer de cette servitude productiviste absurde qui nous oblige à produire des choses à nuisance pour mériter nos galons d’hommes libres, parce qu’ayant réussi économiquement. Nous devons délier l’écologie de l’économie, la pertinence du productivisme. Et devons décréter que si une réalisation engendre plus de nuisances que de choses bénéfiques pour la société, alors cette chose n’aura aucune raison d’être et toutes les raisons de ne pas être !
12 heures par semaine ?
Forcément, si nous sommes libérés du « productivisme de l’absurde », nous aurons à consacrer beaucoup moins de temps au labeur. Nous retrouverons le plus beau cadeau que la biologie elle-même nous a donné : le temps ! Notre temps ! Il y aura certes, encore du labeur réel et pertinent, mais est-ce que la somme totale de ces labeurs sera en grandeur suffisante pour permettre à des hommes de réussir économiquement dans les règles du libéralisme économique ? « Tu travailles tu bouffes ! Tu travailles pas tu bouffes pas ? Tu travailles tu cotises ! Tu travailles pas tu cotises pas ? ». Je me permets d’en douter.
Dans un monde où des machines nous confisquent nos labeurs, où plus rien de réellement utile ne reste encore à inventer de sorte à satisfaire un nombre politiquement acceptable d’individus, nous devrons nécessairement déconnecter le revenu des hommes de toutes notions de productivité. Un revenu de base devra se mettre en place et une répartition juste et démocratique des corvées non-robotisables. Mieux encore, un système d’état employeur en dernier ressort (EEDR). Il y a tellement de belles choses à faire dans les domaines de la bienveillance sociale, de la coopération, du social, des services publics, de l’entretien des infrastructures de l’éducation. De plus, au titre de quoi la sécurité sociale devrait-elle être démantelée privatisée ? Faudra-t-il devenir riche en produisant des choses à nuisances pour « mériter » le droit d’être en bonne santé ?
Nous devrons inventer une forme de méritocratie complètement déconnectée du productivisme économique. Nous tirerons nos fiertés et nos gratifications dans des domaines réparateurs, régénérateurs, coopératifs, bienveillants, sociaux, publics (entretient des infrastructures), humanitaires, la transition écologique, humanitaire et sociale. Créer de la monnaie pour financer des choses qui coûtent et ne rapportent pas, nous fera envisager le mérite sous un angle différent que la transformation des ressources naturelles en marchandises et en croissance. Nous devons redonner aux hommes la dignité qu’ils ont perdu le jour où ils ont été dépossédés de leurs utilités par des machines. Nous devons redonner à la vie du sens, de la pertinence, de l’utilité réelle, de la morale, un cap !
Nous devrons pour cela inventer une nouvelle forme d’économie, une nouvelle façon d’envisager la monnaie, la finance et les banques, car il est illusoire de se défaire du piège matérialiste avec un système monétaire obligeant l’action humaine au matérialisme.
Jean-Christophe Duval, à Montreuil sur Mer. Le 19/11/2019
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Peretz (mercredi, 20 novembre 2019 07:04)
Bonne analyse sur l' économie politique actuelle . J'aurai aimé un peu plus de description sur le fonctionnement du système. monétaire lui-même.
Alain PERIN d'Épernay (mercredi, 20 novembre 2019 13:10)
Synchroniser le changement de valeurs avec tous les États mondiaux me paraît illusoire. Comment y parvenir ? Amitiés, Alain PERIN d'Épernay.